D’accord, Conscience

 

« Elle te voit tel que tu es à présent et tu as été un type bien ces dernières semaines et elle pense probablement que tu as toujours été comme ça et que les gens disaient simplement du mal de toi.

Maintenant tu peux vraiment recommencer à zéro. Tu peux vraiment. S’il te plait, ne sois pas idiot, disait une autre partie de lui-même. Tu peux vraiment, se dit-il. Tu peux être aussi bien qu’elle le pense et que tu l’es en ce moment. Tout recommencer, ça existe et c’est la chance qui t’a été donnée et tu peux le faire et tu vas le faire. Tu feras toutes les promesses à nouveau ? Oui. Si c’est nécessaire, je ferai toutes les promesses et je les tiendrai. Pas toutes les promesses, sachant que tu ne les as pas respectées ? Il ne pouvait rien répondre à ça. Ne triche pas avant même d’avoir commencé. Non. Je ne le ferai pas. Dis-toi ce que tu peux vraiment faire chaque jour et puis fais-le. Chaque jour. Fais-le jour après jour et tiens les promesses que tu as faites à elle et à toi. De cette façon je peux tout recommencer, pensa-t-il, et rester honnête quand même.

Tu es en train de devenir un sacré moraliste, pensa-t-il. Si tu ne fais pas attention, tu vas vite l’ennuyer. Quand n’as-tu pas été un moraliste ? A différentes époques. Ne te racontes pas d’histoires. Bon, dans différents endroits. Ne te racontes pas d’histoires.

D’accord, Conscience, dit-il. Seulement, ne sois pas solennelle et didactique. Prends ta part, Conscience vieille amie, je sais combien tu es utile et importante et comment tu aurais pu me tenir à l’écart de tous les ennuis que j’ai connus, mais ne pourrais-tu pas avoir un peu plus de doigté ? Je sais que la conscience parle en italique mais parfois j’ai l’impression de t’entendre en gothique. Je prendrais tout beaucoup mieux Conscience, si tu n’essayais de me faire peur. De la même manière que je prendrais les Dix Commandements très au sérieux même s’ils n’étaient pas gravés sur des tables de pierre. Tu sais, Conscience, il est loin le temps où nous avions peur du tonnerre. Maintenant, la foudre : là tu marques un point. Mais le tonnerre ne nous fait plus beaucoup d’effet. J’essaie de t’aider, fils de pute, dit sa conscience. »

 

– Ernest Hemingway, L’Étrange contrée

 

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